Le tatouage et la gestion de la douleur

La fameuse question : « Est-ce que ça fait mal ? »

Lorsqu’on parle de tatouage, arrive souvent la question fatidique :
« Est-ce que cela fait mal ? »
Comme la douleur ne repose pas que sur un ressenti, elle est toujours difficile à qualifier ou à quantifier. C’est pourquoi il m’est toujours difficile de répondre à la question simplement.

Avant de répondre à cette question il faut que je vous explique comment ça se passe au niveau de la peau quand je tatoue.

Ce qui se passe sous la peau

Avec ma machine et la fameuse aiguille, qui est en réalité un faisceau composé de plusieurs petites aiguilles, je mets l’encre dans le derme de la peau. C’est une partie irrégulière, coincée entre l’épiderme et l’hypoderme. Les vaisseaux et nerfs de la peau se situent dans l’hypoderme donc, théoriquement, avec une précision digne d’un chirurgien, le tatouage ne devrait pas être douloureux.

Mais voilà : ces zones de la peau sont irrégulières et la douleur provient du fait que l’aiguille touche par « accident » l’hypoderme.

Il y a aussi l’autre douleur, provoquée lorsqu’on passe au travers l'épiderme avec les aiguilles. Sur le coup, les premières minutes, c’est surtout la nouveauté de la sensation qui fait que le cerveau doit s’habituer. Ce qui prendra environ 15 minutes avec l’aide du cerveau qui envoie un peu d’endorphine. Par contre, après un certain temps, variable pour chaque personne, situation et endroit du tattoo, la peau fait une inflammation pour se protéger, ce qui cause la sensation de brûlure.

Est-ce que ça fait toujours mal ?

Un tatouage fait donc toujours mal, mais :

  • la douleur, même intense, est objectivement supportable.

  • c’est la durée du tatouage qui peut rendre les choses compliquées.

  • l’intensité de la douleur entre les lignes et le remplissage est encore une fois différente d’une personne à l’autre et d’une séance à l’autre.

Certains préfèrent les lignes, d’autres le remplissage.

Parfois cela peut même être presque agréable.
Parfois certain(e)s s’endorment.
Et parfois c’est à la limite du supportable.

Ce qui influence la douleur

Chaque personne est différente et chaque zone du corps est différente.
De plus, plusieurs facteurs entrent en jeu :

  • l'état de santé

  • le moral

  • l'état de fatigue

  • l'état mental

  • la capacité psychologique

  • l'endurance

L’aspect physique

Le tatouage est comparable à :

  • une écorchure

  • une piqûre

  • une griffure

  • une sensation de brûlure

  • une égratignure de griffe de chat

Notre corps a tout prévu pour nous aider à traverser les épreuves douloureuses, en sécrétant des endorphines lorsque nous en avons besoin et sur les zones qui en ont besoin.

Les endorphines sont des molécules pareilles à de la morphine, mais d’origine endogène, c’est-à-dire sécrétées par notre propre corps pour nous anesthésier. Notre corps sait les fabriquer lorsque nous nous blessons ou lorsque nous faisons des efforts pénibles (comme des séances intensives de sport). Elles nous aident à traverser l’épreuve avec plus de facilité. Elles ont également un effet euphorisant.

C’est ainsi que :

  • les quinze premières minutes d’une séance de tatouage peuvent paraître plus ou moins douloureuses

  • par la suite, sous les effets des endorphines, on s’habitue

  • après cette phase d’adaptation, et pendant un temps plus ou moins long selon votre condition physique et mentale, le tatouage peut même devenir agréable

Si la séance dure au-delà de nos capacités à produire ces endorphines, la douleur redevient présente.

On dit toujours qu’il faut venir en forme et reposé pour se faire tatouer, justement pour bien vivre la séance. La fatigue rendant toute épreuve ou expérience toujours plus pénible. Pour les dames, il convient également de remarquer que la période des menstruations rend plus réceptive à la douleur. Il est donc important de :

  • bien manger

  • bien s’hydrater

  • bien dormir la veille

Ça ce sont les bases.

L’aspect mental

Au-delà de l’endorphine produite par notre corps, il y a la gestion de la douleur sur le long terme.
Certains peuvent endurer la douleur, même minime, qu’une seule heure et d’autres pendant plus de 8 hrs. Ceci est causé par nos expériences et notre mental.

Par exemple :

  • une femme qui a accouché d’un enfant sera plus tolérante à la douleur du tattoo, plus longtemps, car elle a une référence de douleur plus élevée

  • les femmes en général sont plus tolérantes vu qu'elles ont des douleurs chaque mois, ce qui cause des renforcements mentaux pour la gestion de la douleur

  • un homme qui aurait vécu un accident douloureux avec une longue réhabilitation sera aussi plus tolérant

Ensuite, il y a aussi la gestion mentale de la douleur. C’est le grand secret des personnes qui font de longues séances de tattoo. Je sais par expérience que plus on utilise des techniques de détente avant et pendant la séance, mieux se passe la séance.

La focalisation sur :

  • la respiration

  • le calme intérieur

  • une pensée agréable

  • un souvenir

  • une motivation par rapport au tatouage

  • de la musique

... permet de transformer son ressenti de manière positive.

Les techniques de sophrologie voire d’auto-hypnose sont remarquablement efficaces. Il faut savoir s’abandonner au processus. Le conditionnement mental que vous adopterez fera la différence.

La peur d’avoir mal est normale, j’appréhende toujours avant une séance, mais j’essaie de ne pas me bloquer dessus. Je sais que je vais avoir mal alors je me motive au résultat, au processus, à l'expérience... je me conditionne et j’arrive déterminée !

De nombreuses personnes stressent avant leur séance, même si elles sont impatientes ou heureuses que le jour J soit enfin arrivé. Il est normal d’avoir une forme d’appréhension et de stresser un peu, et même lorsqu’on s’est déjà fait souvent tatouer cela peut arriver.

L’aspect mental est ici d’une grande importance. Il convient de toujours positiver, de ne pas se répéter sans cesse que « cela va faire mal » car ce type de pensées sont de véritables injonctions pour notre subconscient.

Il est préférable de travailler ses pensées intérieures, se créer une ambiance mentale motivante, agréable, forte, reposante… ce n’est pas un sprint !

Imaginez-vous être un marathonien qui a un long parcours à faire avant d'arriver à la ligne d'arrivée. Comment croyez-vous qu’il arrive à parcourir les 52 km avec la forte chaleur du soleil sur ses muscles endoloris, sa soif, la douleur répétitive de ses pieds qui frappent le béton…?

J’ajouterais qu'il y a dans le processus du tatouage une part initiatique de confrontation avec nous-mêmes et avec notre douleur et notre nature humaine. Il faut reconnaître que se faire tatouer inclut aussi l'acceptation de vivre cette expérience en embrassant la douleur qui l'accompagne. Cela fait partie intégrante du processus !

Notre monde moderne gorgé de confort et de facilité nous a fait oublier cette dimension de difficulté et d’endurance qu’il est nécessaire d’apprivoiser dans la vie. L’art ancestral du tatouage nous permet de retrouver ce chemin de connaissance et de maîtrise de soi.

Les zones du corps

D’une manière générale :

  • les zones généralement protégées (côtes, flanc du corps, sous bras, entre jambes) et les zones avec beaucoup de terminaisons nerveuses (main, pied, visage, colonne vertébrale, mollet) sont plus douloureuses

  • les zones “habituées” aux chocs (dessus bras, épaule, dessus cuisse) sont souvent moins sensibles

  • les zones où la peau est mince au-dessus d’un os (tibia, genou, coude, jointure, sternum…) font plus mal si le tatoueur ne travaille pas avec plus de délicatesse

L’état général de santé de la personne

Le tatouage va créer une réaction d’inflammation cutanée qui est normale.
Cependant, si pour une quelconque raison votre corps ou la zone de votre corps à tatouer est déjà en état inflammatoire, la perception de la douleur sera accrue.

Si votre colonne vertébrale présente :

  • des zones de faiblesses

  • des pathologies (tassements, hernies…)

  • ou si votre dos est rempli de tensions musculo-squelettiques

… vous aurez une sensibilité accrue à la douleur du tatouage.

De même, si une épaule souffre de douleurs articulaires, le tatouage sur cette épaule sera probablement difficile à supporter.
Parfois, c’est même la position statique pour faire le tattoo qui cause de la douleur.

Et les anesthésiants ?

Il n'est pas recommandé de les utiliser pour se faire tatouer :

  • cela peut modifier la manière dont l'encre adhère à la peau

  • cela peut provoquer des réactions allergiques

  • cela ne supprime pas la douleur mais la rend simplement plus supportable temporairement

Demandez à votre tatoueur ses meilleures options si lors d’une séance vous vous sentez moins tolérant(e).
Dans mon cas, j'ai un vaporisateur que j’adore, que je mets juste en fin de session pour finaliser une étape d’un gros projet qui ne peut être interrompu pour continuer la prochaine session.

Pour une meilleure guérison, vaut mieux s’arrêter lorsque le client arrive à sa limite d'endurance.
Le corps du tatoué est une création merveilleuse qui prend tous les moyens pour s'exprimer lorsqu’il n’a plus de ressource pour aller plus loin. Il faut l'écouter.

Un mot pour finir

N’hésitez pas à m’en parler. Votre tatoueur/tatoueuse devrait être ouvert et bienveillant, parlez-lui.
N’oubliez pas qu’il/elle se doit d’aborder la question de la douleur avec chaque client.

En tant que tatoueuse je reste sensible à vous accompagner au mieux dans la gestion de cette douleur, en vous mettant à l'aise, et dans mes gestes plutôt doux.
Si tu es prêt à franchir le pas, n'hésite pas à prendre rendez-vous avec moi directement via ce formulaire !

Karine Steinblume

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